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La reprise des boites en 10 questions. Tout est bon dans l’autogestion ?

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Depuis la crise de 2008, les luttes contre l’intensification des licenciements, les délocalisations et faillites, ont données un nouveau souffle à la reprise des boites par les salarié-e-s. On ne discute pas ici les choix des prolétaires en lutte. Il s’agit de faire une critique des discours pro-autogestion comme solution générale à la crise, voire même pour certain-e-s comme alternative au capitalisme.

La reprise des boites sous forme de SCOP est la pratique de l’autogestion la plus répandue. Elle se distingue de l’autogestion offensive qui était promue et pratiquée au cours de périodes (pré-)révolutionnaire par le mouvement ouvrier. Elle se distingue aussi de ce que certains appellent l’autogestion pour désigner un mode de prise de décision et de vie commun (diverses communautés alternatives,…), voir de lutte (la ZAD,…). Nous ne traiterons ici que de l’autogestion dans le domaine économique telle qu’elle existe aujourd’hui. Et non telle qu’elle devrait être dans un idéal de société post-capitaliste.

Parmi diverses formes plus ou moins autogestionnaires existant dans la société actuelle, nous allons nous intéresser aux SCOP. Car elles sont la forme juridique la plus communément adoptée par les structures dont le projet est autogestionnaires.

1) Qu’est ce qu’une SCOP ?

Les Sociétés COopératives et Participatives sont des entreprises dans lesquelles le capital est détenu au minimum à 51% par les salariés associés, le reste appartient à des « sociétaires extérieurs ». les salariés ont au minimum 65% des voix à l’assemblée générale. Une SCOP peut très bien avoir recours à des salariés non-associés ce qui engendre de sacrées inégalités entre salariés. Nous y reviendrons.

Elle est soumise à un impératif de rentabilité et à la concurrence au même titre que n’importe quelle entreprise mais dispose de certains avantages fiscaux.

Il y a 2 040 SCOP en France, elles regroupent 45 700 salariés, avec une moyenne de 20 salariés par SCOP, et un chiffre d’affaire de 3,9 milliards (chiffre de 2013) http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/ .  Le secteur de la construction est l’un des plus représenté (19,1% des coopératives, 24,1% de l’emploi coopératif).

2) Transformation d’une entreprise en scop : d’où vient l’investissement et qui prend le risque ?

Quand une entreprise est récupérée par ses salariés ce sont eux qui placent l’argent pour investir. Ce sont donc leurs indemnités de licenciement auxquelles ils renoncent. Parfois les indemnités ne suffisent pas, il faut alors aller chercher de l’argent ailleurs. Comme à SeaFrance par exemple où les salariés ont dû trouver un partenaire : le groupe Eurotunnel. Le groupe s’épargne alors à la fois le risque de la concurrence, mais aussi celui de racheter et de devoir restructurer une entreprise en difficulté.

Les salarié peuvent aussi tous contracter un prêt à des organismes spécialisés liées à la Confédération Générale des SCOP (banque d’investissement et de placement sur les SCOP. Si la SCOP doit augmenter ses fonds propres, les organismes prêteront directement aux associés à des taux élevés).

3) Dans la SCOP : un fonctionnement horizontal ?

Chaque associé à droit à une voix à l’assemblé générale quelle que soient les parts qu’il détient.

Mais la coopérative se comprend aussi dans son rapport à l’extérieur. Elle doit gérer la concurrence, son rapport avec les banque, et s’adapter aux exigences des donneurs d’ordre en cas de sous-traitance… Les grosses coopératives disposent souvent d’une direction d’experts et seule les grandes décisions stratégiques relèvent de l’AG, qui souvent ne se réunit qu’une fois par an. Le patron bien qu’élu par les associés n’est pas « librement » choisi. Il doit avoir des compétences et une expérience de patron (chez SeaFrance c’est l’ancien président d’une société concurrente qui dirigera la SCOP . Son pouvoir dans la boite est réel, il peut embaucher et licencier des salariés non-associés.

4) La répartition du profit est elle égalitaire ?

Le gérant et les cadres dirigeants, quand il y en a, ne « travaillent » pas forcément pour le même prix que les ouvriers et/ou que les employés. Les écarts de salaires perdurent. Par ailleurs jusqu’à 49% du capital peut être détenue par des sociétaires extérieurs, qui touchent sans travailler une partie de la plus value crée par le travail des autres.

5) Peut on autogérer la sous-traitance dans une SCOP ?

Les SCOP sont surtout des entreprises sous-traitantes. Elles coûtent moins chères car il y a une diminution radicale des frais de gestion. Il est donc avantageux pour une grosse boite d’utiliser une SCOP comme sous-traitante. De nombreuses SCOP ne sont qu’un rouage dans la division du travail. L’aspect démocratique des prises de décisions est une illusion devant une telle dépendance de la coopérative. La SCOP s’exécute devant les donneurs d’ordres, c’est le cas de MyFerryLink (ex-SeaFrance) devant Eurotunnel par exemple.

6) et 7) Peut-on autogérer des licenciements dans une SCOP ? Peut-on autogérer de l’intérim dans une SCOP ?

Dans la SCOP tous les salariés ne sont pas associés, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas tous le droit de vote à l’assemblée générale et touchent des salaires souvent inférieurs à ceux des associés. On dit qu’ils sont « auxiliaires ». Ils peuvent être licenciés, ou même être employés par une boite sous-traitante ou d’interim. S’ils sont directement employés par la SCOP ils peuvent au bout d’un moment devenir associés, avant ça ils sont des prolos précaires face à un patron comme partout ailleurs.

Cerise sur le gâteau, il existe même une agence d’interim autogérée : Chronos Interim…

8) Comment les SCOP survivent elles dans un environnement capitaliste (le marché et la concurrence) ?

Les SCOP survivent très bien, elles sont 76% à tenir plus de 3 ans contre 65% en moyenne pour les entreprises françaises selon l’INSEE. Elles ne sont pas un oasis en milieu capitaliste, elles sont elles même capitalistes. Dans l’autogestion réellement existante les forces productives (voir « qu’est ce qu’un Mode de Production ») particulières d’une entreprise deviennent la propriété légale des salariés associés.

Mais le travail est toujours aussi chiant, et parcellisé. Eh oui les machines et les connaissances techniques mobilisées dans la production demeurent inchangées. Elles restent adaptées aux rapports de production dominant, et participent  à une division technique du travail (et donc des inégalités).

Les frais de gestion liés au fonctionnement d’une entreprise « classique » sont réduits. Grâce à cet atout et aux avantage fiscaux, la SCOP s’avère plus compétitive qu’une entreprise traditionnelle.

Il y a une distinction à faire entre les entreprises récupérées qui appartiennent :

– Aux secteurs en difficulté mais qui peuvent redevenir compétitifs s’ils sont restructurés

– Aux secteurs qui ne seront plus compétitifs en France et qu’aucune restructuration ne peut changer. (c’est le cas de Goodyear).

Les premières une fois restructurées par le biais de la réorganisation en autogestion se développent et durent, au prix de nombreux effort des salariés. Pour les autres, soit le projet de reprise ne serra souvent même pas mis en application, soit elles feront faillite et les salariés perdront les sous qu’ils auront investis.

9)  Y a-t-il une lutte de classe dans les coopératives ?

On comprendra facilement qu’un syndicat qui axe sa lutte pour la reprise en SCOP d’une boite qui coule, a toutes ses chance de devenir un syndicat jaune une fois le projet de SCOP réalisé. Les syndicalistes sont souvent amenés à devenir des bureaucrates gestionnaires et encadrant les salariés dans une SCOP (comme c’est le cas de la CFDT SeaFrance).
Il existe aussi des SCOP où des travailleurs s’organisent dans des syndicats en opposition aux dirigeants (C’est le cas des sections CGT et CNT-SO à la coopérative EnergieBat par exemple http://www.cnt-so.org/Energies-Bat-La-La-CNT-Solidarite).

10) La reprise en SCOP est elle un contre-modèle face aux restructurations ?

Non. Comme on l’indiquait plus haut, ce qui compte avant tout c’est les perspectives de rentabilité du secteur. Et c’est la justice qui tranche si le projet de SCOP est viable ou non.
Les SCOP ne sont pas en mesure d’opposer une alternative crédible à la liquidation des secteurs de l’économie qui ne sont plus assez rentable. Et donc elle ne sont pas un bouclier contre les délocalisations.

Bref les SCOP sont un mode de gestion parfaitement intégrés au capitalisme. Elles sont même dans certain cas une nécessité pour la restauration de la compétitivité dans une boite en difficulté. La reprise par les salariés peut être une voie de sortie collective à une liquidation. Une manière de conclure collectivement la lutte en évitant la dispersion après que chacun ait arraché des indemnités. Tout cela concerne des luttes particulières. Mais l’autogestion n’est pas une voie de sortie pour la classe.

Le capitalisme n’est pas un mode de gestion pourvu qu’elle soit rentable et maintiennent le taux de profit. Les SCOP ne proposent aucun autre horizon.

Sur le projet de reprise à Goodyear :

http://ouvalacgt.over-blog.com/article-le-projet-de-scop-de-la-cgt-goodyear-118118145.html

http://ouvalacgt.over-blog.com/article-impasse-juridique-ou-sursaut-de-la-lutte-des-classes-a-goodyear-118091299.html
SeaFrance :

http://lamouetteenragee.over-blog.com/article-la-scop-tentative-de-reappropriation-collective-ou-nouvelles-formes-de-depossession-des-travailleu-121247749.html

Autres :

http://www.scop.coop/HOMEV2/liblocal/docs/Communication/PARTICIPER/p%20614%20enjeux%20soustraitants.pdf

http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/

http://www.vp-partisan.org/article630.html

 


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